Depuis plusieurs années, l’historien Jean-Baptiste Fressoz s’attache à déconstruire certains mythes qui façonnent nos représentations des enjeux écologiques. Non, nous n’avons pas «découvert» l’importance du climat et les impacts de nos modes de production sur lui à la fin du XXe siècle, montrait-il dans Les Révoltes du ciel avec Fabien Locher. Non, il n’y a jamais eu de «transition» énergétique dans l’histoire moderne, au sens qu’une source d’énergie en aurait, comme par une loi d’airain de l’histoire humaine, remplacé une autre.
Si certains, y compris au sein des milieux écologistes, accusent Jean-Baptiste Fressoz de saper les efforts d’une sortie des fossiles, lui affirme le contraire: supposer qu’il y a eu des transitions énergétiques auparavant, c’est laisser croire que la prochaine n’est qu’une affaire de temps. Croire au mythe de la substitution, c’est prendre le risque d’une nouvelle addition (les énergies renouvelables venant juste s’ajouter aux fossiles pour booster une fois encore le capitalisme). Faire face à la symbiose des énergies entre elles, affronter le fait que le développement d’énergies renouvelables prises dans des logiques de gigantisme ne nous fera pas mécaniquement sortir du charbon et du pétrole, c’est au contraire se poser la seule question qui compte: de quel système énergétique voulons-nous ?
Nous publions ici quelques bonnes feuilles extraites de l’introduction de son ouvrage paru le 12 janvier.
Ce livre n’est certainement pas une «critique» des énergies renouvelables. Il explique en revanche pourquoi la transition énergétique nous empêche de penser convenablement le défi climatique. Depuis un demi-siècle qu’on l’invoque, cette notion a produit plus de confusion scientifique et de procrastination politique qu’autre chose. La transition projette un passé qui n’existe pas sur un futur qui reste fantomatique. Pour espérer construire une politique climatique un tant soit peu rigoureuse, il est indispensable d’avoir une compréhension renouvelée des dynamiques énergétiques et matérielles. C’est le but de cet ouvrage.
La transition énergétique parvient à faire passer pour anodin un futur radicalement étrange. Or, c’est de l’histoire, d’une histoire fausse, qu’elle tire sa force de conviction et son apparence de plausibilité. Comme en écho aux transitions du passé – du bois au charbon, puis du charbon au pétrole – il nous faudrait maintenant, face au réchauffement, en accomplir une troisième vers le nucléaire et les renouvelables. La crise climatique commanderait de poursuivre l’histoire du capitalisme et de l’innovation, de l’accélérer même, pour hâter l’avènement d’une économie libérée du carbone. Grâce à la transition, le changement climatique appelle un changement de technologie et non de civilisation. L’histoire de l’énergie, ses routines chronologiques, ses récits phasistes du passé – âge du bois, âge du charbon, âge du pétrole, économie organique et économie minérale, première et seconde révolution industrielle – ont joué un rôle idéologique discret mais central dans la construction de ce futur réconfortant (1).
Malgré sa dynamique fondamentale d’accumulation, l’histoire de l’énergie est généralement racontée comme une suite de transitions ou même de basculements de systèmes énergétiques, à l’échelle de nations, de continents ou du monde entier. Dans ce qui est devenu un genre en soi, celui de la fresque énergétique, on retrouve en général le même plan chronologique: des chapitres initiaux traitent de la force musculaire, du bois et de l’hydraulique à l’époque préindustrielle ; les chapitres centraux s’occupent de charbon et de vapeur au XIXe siècle ; s’ensuivent des chapitres sur le pétrole, l’électricité et le nucléaire (le gaz est souvent moins étudié) ; et enfin des propos conclusifs sur la transition en cours ou à venir. Comme chaque époque est définie par le nouveau – un biais commun avec l’histoire des techniques justement souligné par l’historien David Edgerton –, des phénomènes massifs sont éludés comme l’essor des renouvelables au XIXe siècle, de la biomasse et de la force musculaire au XXe siècle ou encore celui récent du charbon (2). «Le charbon a régné pendant soixante‑quinze ans avant de céder son trône au pétrole autour de 1965», écrivait récemment une figure de proue de l’histoire environnementale américaine (3). Le schéma transitionniste est si profondément ancré que même l’ouvrage de référence récent Power to the People contient des affirmations discutables. Par exemple, le pétrole et l’électricité sont présentés comme deux «transitions énergétiques», alors que l’électricité accroît la consommation de charbon et que le pétrole ne la réduit pas nécessairement (4). Le cas de Vaclav Smil est également révélateur. Grand spécialiste des questions énergétiques, il est actuellement une des voix influentes alertant sur l’énormité du défi que représenterait une sortie des fossiles en trente ans. Mais son scepticisme quant à la transition en cours ne l’empêche pas de reconduire dans ses fresques historiques sur l’énergie le récit classique d’une modernité faite à coups de transitions (5).
« On ne comprend pas grand‑chose à l’histoire du charbon sans étudier celle du bois qui permet de l’extraire. De même, l’ascension du pétrole au XXe siècle est inexplicable sans le béton, l’acier et donc le charbon. »
Bien entendu, il existe d’autres manières de raconter l’histoire de l’énergie. Les historiens préfèrent généralement se concentrer sur une source d’énergie particulière. On dispose ainsi de très riches historiographies sur le charbon, sur le pétrole, d’autres ouvrages encore sur le bois ou sur l’hydraulique et plus récemment sur l’éolien et le solaire. Le problème de ces approches est qu’elles sont «mono-énergétiques». Elles étudient une énergie en la séparant des autres et des matières en général. Pourtant, on ne comprend pas grand‑chose à l’histoire du charbon sans étudier celle du
bois qui permet de l’extraire. De même, l’ascension du pétrole au XXe siècle est inexplicable sans le béton, l’acier et donc le charbon. Ce livre montre l’importance d’une foule d’objets et de techniques – étais de mine, traverses de chemins de fer, tubes pétroliers, créosote, panneaux de contreplaqués, bétonnières, camions‑bennes, cartons d’emballage, palettes, etc. – absents des récits standards et qui sont pourtant clés pour comprendre l’histoire matérielle de l’énergie (6).
Depuis les années 2010, certains historiens de l’énergie ont cherché à renouveler le genre en contestant le primat de l’économie, des coûts relatifs et de la disponibilité des ressources pour insister sur les déterminants politiques des «transitions énergétiques». Par exemple dans Fossil Capital, Andreas Malm explique la diffusion de la machine à vapeur dans l’Angleterre des années 1830 par la volonté des capitalistes d’échapper à la contrainte de la localisation qu’imposait l’énergie hydraulique. La vapeur leur aurait permis de déplacer la production en ville afin de mieux exploiter l’abondante force de travail qui y résidait (7). Dans Carbon Democracy, un livre qui a fait date et sur lequel nous reviendrons en détail au chapitre 6, Timothy Mitchell propose aussi un récit politique du basculement du charbon au pétrole: la fluidité de ce dernier aurait permis aux capitalistes de contourner le pouvoir et les revendications des mineurs européens de la fin du XIXe siècle (8).
Si la volonté d’injecter du politique dans les récits un peu lisses de l’histoire économique de l’énergie est louable, il faut souligner que ces auteurs reconduisent le schéma transitionniste standard, et l’exacerbent même, en plaquant des récits politiques phasistes sur une histoire énergétique qui s’y prête mal. Concernant la thèse de Malm, les historiens ont montré combien la machine à vapeur des années 1830 est davantage le symbole que le déclencheur du «capitalisme fossile». Au XIXe siècle, en Angleterre, le charbon était davantage brûlé pour produire de la chaleur, domestique et
industrielle, que de la force mécanique. Dès le XVIIe siècle, la demande en chauffage avait conduit à une augmentation progressive du prix du bois de feu et corrélativement de l’extraction charbonnière. Il faut ajouter que la vapeur ne remplace pas l’énergie hydraulique. Les industriels qui le pouvaient utilisaient à la fois une turbine à eau et une machine à vapeur. En ce qui concerne la France, pour laquelle on dispose de statistiques administratives précises, en 1860, la moitié des entreprises utilisant la vapeur disposait d’un autre moteur, le plus souvent hydraulique (9). Quant à l’hypothèse d’une appétence particulière des capitalistes pour les foules urbaines, elle semble contradictoire avec de nombreux projets de relocalisation industrielle à la campagne, synonyme de calme social relatif. Par exemple, aux États‑Unis, dans le Massachusetts, les capitalistes de l’industrie textile n’eurent aucune difficulté à prospérer grâce à l’énergie hydraulique, en transformant entièrement la rivière Merrimack (10).
Le livre de Timothy Mitchell se heurte au même écueil: le pétrole ne contourne pas les mineurs tout simplement parce qu’il ne remplace pas le charbon. Le pétrole sert avant tout à faire avancer des voitures qui, à leur tour, nécessitent beaucoup de charbon pour être fabriquées. En outre, au XXe siècle, l’électricité donne une centralité économique nouvelle au charbon et le nombre de mineurs diminue non pas à cause du pétrole mais grâce aux gains de productivité dans les mines. L’attrait de l’histoire «politique» de l’énergie, qui est aussi son défaut, est qu’elle tend à présenter le changement climatique comme résultant des manigances de quelques intérêts économiques. Cette histoire, apparemment radicale mais finalement rassurante, sous‑estime l’énormité du défi climatique. Sortir du carbone sera autrement plus difficile que sortir du capitalisme, une condition aussi nécessaire qu’insuffisante.
Une critique importante des fresques transitionnistes est venue d’historiens fins connaisseurs des modes de production du XIXe siècle et par conséquent moins impressionnés par le charbon et la vapeur que leurs collègues spécialistes d’énergie. Ils ont montré l’importance pour l’industrialisation d’énergies considérées à tort comme traditionnelles: qu’il s’agisse du muscle humain, de l’hydraulique dans les usines, du bois dans la sidérurgie, des animaux dans les transports, les travaux agricoles ou comme force mécanique industrielle (11). Mais en tant que critique de la transition, cette histoire des persistances reste au milieu du gué (12). L’idée selon laquelle les énergies traditionnelles «résisteraient» face aux fossiles prend encore trop au sérieux le récit transitionniste. Pour comprendre l’histoire de l’énergie, il faut se défaire à la fois du darwinisme schumpéterien, de l’idée simpliste de «destruction créatrice», mais aussi de la dialectique des vainqueurs et des vaincus. Aux XIXe et XXe siècles, les renouvelables ne font pas de la résistance, elles ne font pas face aux fossiles, mais progressent et se développent grâce à ces dernières. Nous verrons que charbon et pétrole ont
énormément accru la production de bois et donc sa disponibilité pour des usages énergétiques. Les renouvelables se modernisent grâce à l’acier et au ciment, deux matériaux étroitement dépendant du charbon, qui leur permettent de capter bien plus efficacement des énergies diffuses. En France, les turbines en acier des années 1900 produisent trois fois plus d’énergie que les moulins en bois de 1800, à un coût bien moindre, et cela avant même l’essor des grands barrages hydroélectriques évidemment tributaires du pétrole et du charbon pour leur construction (13). De même, le pétrole et le gaz ont permis d’accroître la production agricole et donc la disponibilité du muscle humain. Pour ces raisons et bien d’autres encore, l’histoire que nous raconterons dans ce livre n’est ni celle de résistances, ni même celle d’additions, c’est l’histoire de l’intrication et de l’expansion symbiotique de toutes les énergies (14).
Notes :
(1) C’est parce que l’historiographie des techniques est phasiste que le livre clé de David Edgerton, Quoi de neuf ? Une histoire globale des techniques au XXe siècle, Paris, Seuil, [2006] 2012 a été perçu comme « iconoclaste », alors qu’il soulignait à raison un biais très généralement répandu en histoire des techniques consistant à assimiler les techniques utilisées à une époque aux techniques nouvelles apparaissant à cette époque.
(2) Bruce Podobnik, Global Energy Shifts. Fostering Sustainability in a Turbulent Age, Philadelphie, Temple University Press, 2005 ; Alfred W. Crosby, Children of the Sun. A History of Humanity’s Unappeasable Appetite for Energy, New York, Norton, 2006 ; Manfred Weissenbacher, Sources of Power : How Energy Forges Human History, Praeger, 2009 ; Bent Sorensen, A History of Energy :
Northern Europe from the Stone Age to the Present Day, Londres, Routledege, 2012 ; Jean-Claude Debeir, Jean-Paul Deléage et Daniel Hémery, Une histoire de l’énergie. Les servitudes de la puissance, Paris Flammarion, 2013 ; Richard Rhodes, Energy. A Human History, New York, Simon & Schuster, 2018 ; Anthony N. Penna, A History of Energy Flows. From Human Labor to Renewable Power, Londres, Routledge, 2021 ; Brian C. Black, To Have and Have not : Energy in World History, Londres, Rowman, 2022 ; Brian C. Black, Energy Revolutions : A History, Wiley, 2023. Notons que les ouvrages d’avant 1970 sont moins centrés sur le récit des transitions : cf. Fred Cottrell, Energy and Society. The Relation Between Energy, Social Change and Economic Development, McGraw-Hill, 1955 ; Sam H. Schurr et Bruce C. Netschert, Energy in the American Economy, 1850‑1975, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1960.
(3) John McNeill et Peter Engelke, The Great Acceleration. An Environmental History of the Anthropocene since 1945, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2014, p. 9.
(4) Astrid Kander, Paolo Malanima et Paul Warde, Power to the People. Energy in Europe over the Last Five Centuries, Princeton, Princeton University Press, 2013, p. 251‑256.
(5) Vaclav Smil, Energy Transitions. History, Requirements, Prospects, Santa Barbara, Praeger, 2010. Dans son dernier ouvrage sur le sujet, Energy and Civilization. A History, Cambridge (MA), MIT Press, 2017, Smil mentionne brièvement le phénomène qui est central dans cet ouvrage : «toute transition vers une nouvelle source d’énergie a été alimentée par les énergies existantes : la transition du bois vers le charbon a dû être énergisée par les muscles humains» (p. 230). Mais cette relation symbiotique que Smil mentionne à propos du travail des enfants dans les mines n’est limitée ni à la phase «victorienne» de la transition vers les fossiles ni à la force humaine.
(6) Dans une bibliographie immense voir : Daniel Yergin, Prize : The Epic Quest for Oil, Money & Power, New York, Simon & Schuster Ltd, 2009 ; John Hatcher, Michael Flinn, Roy Church, Barry Supple, William Ashworth et al., The History of the British Coal Industry, Oxford, Oxford University Press, 5 volumes, 1986‑1993 ; Joachim Radkau, Wood : A History, New York, Polity, 2012 ; Charles-François Mathis, La Civilisation du charbon, Paris, Vendémiaire, 2021 ; Jean-Marie Martin-mouroux, Charbon, les métamorphoses d’une industrie. La nouvelle géopolitique du XXIe siècle, Paris, Éditions Technip, 2008.
(7) Andreas Malm, Fossil Capital. The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming, Londres, Verso, 2016.
(8) Timothy Mitchell, Carbon Democracy. Political Power in the Age of Oil, Londres, Verso, 2011.
(9) Patrick Ruhemann, « Vapeur motrice et industrie au XIXe siècle », thèse de l’université de Paris 10-Nanterre, 2007, p. 428 et 430.
(10) Theodore Steinberg, Nature Incorporated. Industrialization and the Waters of New England, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.
(11) Raphael Samuel, « Workshop of the world : Steam power and hand technology in mid-Victorian Britain », History Workshop Journal, vol. 3, n° 1, 1977, p. 6‑72 ; Richard H. Schallenberg, « Evolution, adaptation and survival : The very slow death of the American charcoal iron industry », Annals of Science, vol. 32, n° 4, 1975, p. 341‑358 ; Louis C. Hunter, History of Industrial Power in the United States, 1750‑1930. Waterpower in the Century of Steam, Charlottesville, University Press of Virginia, 1979 ; Serge Benoit, D’eau et de feu : forges et énergie hydraulique, XVIIIe-XXe siècle. Une histoire singulière de l’industrialisation française, Rennes, PUR, 2020 ; Chris Evans et Göran Rydén, The Industrial Revolution in Iron : The Impact of British Coal Technology in Nineteenth-Century Europe, Londres, Routledge, 2005 ; Éric Baratay, Bêtes de somme. Des animaux au service des hommes, Paris, Seuil, 2010 ; Joel Tarr, The Horse in the City. Living Machines in the Nineteenth Century, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2007 ; Sabine Barle, L’Invention des déchets urbains, 1790‑1970, Seyssel, Champ Vallon, 2005 ; François Jarrige et Mohamed Kasdi, « Moteurs animés des filatures », in François Jarrige et Alexis Vrignon (dir.), Face à la puissance. Une histoire des énergies alternatives à l’âge industriel, Paris, La Découverte, 2020 ; François Jarrige, La Ronde des bêtes. Le moteur animal et la fabrique de la modernité, Paris, La Découverte, 2023.
(12) Le titre du livre classique de Louis C. Hunter, Waterpower in the Century of the Steam Engine 1780‑1930, en est un bon indice : il aurait fallu intervertir les termes.
(13) Charles Dupin évalue le travail produit par les 66 000 moulins que compterait la France dans les années 1820 au travail de 1,5 million d’hommes. Cf. Charles Dupin, Forces productives et commerciales de la France, Paris, Bachelier, vol. 1, 1827. La statistique industrielle de 1899 indique 47 000 moteurs hydrauliques produisant 574 000 chevaux-vapeur soit, si l’on prend l’équivalence généralement retenue de 7 hommes pour 1 CV : 4,02 millions d’hommes. Cf. Répartition des forces motrices à vapeur et hydrauliques en 1899, Paris, Imprimerie nationale, 1900, tableau A, p. 1.
(14) Que l’histoire de l’énergie soit celle d’une accumulation est une évidence commentée par les économistes depuis les années 1930. L’historien des techniques David Nye mentionne à plusieurs reprises ce phénomène tout en envisageant une histoire de six « systèmes énergétiques » successifs et en présentant son travail comme une reconceptualisation de Lewis Mumford. Voir : David Nye, Consuming Power. A Social History of American Energies, Cambridge MIT Press, 1998, p. 249‑264. En 2013, j’insistais sur le fait qu’il faudrait parler d’additions énergétiques plutôt que de transitions : voir Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz, L’Événement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, 2013. Ce point a été repris à l’identique par Richard York et Shannon Elizabeth Bell, « Energy transitions or additions ? Why a transition from fossil fuels requires more than the growth of renewable energy », Energy Research & Social Science, n° 51, 2019 p. 40‑43.