Alors que les gouvernements se succèdent et que députés et sénateurs s’apprêtent à se réunir pour tenter de trouver un accord sur le projet de loi finance 2025, les organismes dédiés à la protection de l’environnement et à la transition écologique sont parmi les premiers visés lorsqu’il est question de coupes budgétaires. Et ce n’est pas prêt de s’arranger.
L’Agence Bio ne sera finalement pas supprimée. Côté bonnes nouvelles, on se raccroche à ce qu’on peut. Dans la nuit du 17 au 18 janvier, le Sénat avait en effet voté la suppression de l’organisme chargé entre autres de promouvoir la filière bio, pourtant en pleine crise, avec le soutien du gouvernement… qui a finalement reculé. Encore un ballon d’essai éclaté en vol.
Cette tentative ne doit pas être considérée comme un fait isolé : elle s’inscrit dans une offensive plus générale contre les opérateurs et agences de l’environnement. Certes, le gouvernement avait annoncé l’année dernière une hausse des effectifs de 1 %, mais comme le remarquait Véronique Caraco-Giordano, la secrétaire générale du Syndicat national de l’environnement de la Fédération syndicale unitaire (SNE-FSU), dans Le Monde, « cela ne compense pas la baisse de 20 % des effectifs sur les dix dernières années. »
Car oui, à bas bruit, nous assistons à un détricotage méthodique de la protection de l’environnement et de la transition écologique. Un rapport de l’I4CE le mettait en lumière déjà en 2020 : « La tendance est plutôt à la réduction des effectifs au sein de certains des principaux opérateurs concernés. Depuis 2014, ces effectifs ont diminué de 1,3 % par an en moyenne. » Les graphiques parlent d’eux-mêmes :
Et cela ne risque pas de s’arranger, si on lit entre les lignes les déclarations de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui a annoncé il y a quelques jours à ses administrations qu’elle souhaitait mettre en place une « revue » de leurs missions, une « mission flash » d’un mois qui concernerait les cinq directions générales du « pôle écologie ». L’objectif : « repérer les doublons », « gagner en productivité » et « proposer des pistes de réformes », selon les informations du Monde. On connaît suffisamment la langue macronienne pour savoir que ce sont autant d’euphémisations de la saignée qui se prépare.
Rappelons quelques faits derrière les chiffres :
→ L’Ademe : Valérie Pécresse a déclaré le 13 janvier au micro de France Inter son souhait de voir l’agence de la transition écologique tout bonnement supprimée du fait de son budget supposément obèse. Son rôle consiste pourtant presque intégralement à flécher l’agent public vers des collectivités et entreprises pour financer la transition. L’augmentation récente des effectifs de l’agence constituerait un argument en faveur de sa suppression selon l’Ifrap, le think tank fer de lance de l’ultralibéralisme en France.
→ L’Office français de la biodiversité : « Maintenant, ça suffit ! L’OFB doit être purement et simplement supprimé », a déclaré l’inénarrable Laurent Wauquiez le 15 janvier. L’élu de droite surfe sur l’offensive du lobby de l’agriculture industrielle qui voit dans les missions de contrôle des activités des agriculteurs une « humiliation ». Cette mission est pourtant ultra-minoritaire dans les activités de l’OFB, qui fait l’objet d’intimidations incessantes depuis des mois.
→ Météo France : l’organisme de prévision météorologique est complètement à l’os. Depuis 2008, un tiers de ses effectifs ont été supprimés, et son implantation locale est en chute libre, au profit du déploiement de supercalculateurs hyper-coûteux dont l’apport est douteux. Ces coupes dans les moyens interviennent alors même que la probabilité d’événements météorologiques extrêmes ne fait qu’augmenter.
→ L’Office national des forêts : l’organisme chargé du contrôle des espaces forestiers et de la commercialisation d’une bonne partie des ressources sylvicoles est saigné depuis 20 ans, méthodiquement, son personnel passant de 12 500 à 8 000 salariés (40 %). Même la Cour des comptes a tiré la sonnette d’alarme en exhortant le gouvernement de cesser les coupes. Pendant ce temps, dans la vie réelle des travailleurs, les suicides et dépressions se multiplient. On vous recommande le livre de Gaspard D’Allens sur le sujet, Main basse sur nos forêts (Seuil, 2019).
→ Le Cerema : le Centre d’études et d’expertise sur les risques (Cerema) chargé notamment de l’adaptation au changement climatique, qui réunit près de 1 000 collectivités et groupements parmi ses adhérents, a alerté à l’automne 2024 le Parlement sur les coupes budgétaires dont il fait l’objet (11 millions d’euros).
Est-ce que les choses vont s’améliorer ? Il n’y a aucune raison de le penser. Le démantèlement progressif, à l’ombre des beaux discours sur l’Accord de Paris, ne date pas d’hier, et les gouvernements successifs se montrent de moins en moins inhibés sur la question, reprenant volontiers des arguments appartenant hier à l’extrême droite. Sans parler de l’exultation d’une droite qui gouverne en coalition face à la victoire d’un Trump hostile à toute forme d’administration, a fortiori environnementale – « J’en ai rêvé, Elon Musk va le faire », s’était ainsi réjouie Valérie Pécresse. « On espère que ce gouvernement va tomber ; si ce n’est pas le cas, nous serons extrêmement inquiets pour notre avenir. Les agences de l’eau, les parcs nationaux, l’OFB, l’Ademe… Au sein du ministère, tout le monde est déjà en train d’essayer de sauver les meubles », résume Véronique Caraco-Giordano à Reporterre. On ne rêve pas d’autre chose.