Secrétaire fédéral SUD-Rail, Julien Troccaz est l’un des membres actifs de l’Alliance écologique et sociale. Le cheminot, très impliqué dans la défense du fret ferroviaire public, estime stratégique de développer « les champs de luttes partagées » entre mouvement social et associations écologistes.
Un entretien d’Amélie Quentel issu du premier numéro de Fracas. Illustration : Luis Mason.
Comment le cheminot que vous êtes s’est-il retrouvé à participer à des actions avec Les Soulèvements de la terre ou encore Alternatiba ? Pour le dire autrement, comment s’est opérée votre prise de conscience écolo ?
Je suis savoyard et, dès 2015, je me suis engagé via mon syndicat et aux côtés d’assos écolo contre le projet ferroviaire Lyon-Turin. Ma prise de conscience est donc liée à mon investissement syndical : le syndicalisme est l’une des écoles de l’émancipation et cela a été le cas me concernant, d’autant que l’union syndicale Solidaires a été l’un des fondateurs, en 2020, de l’Alliance écologique et sociale (ex-Plus jamais ça !). Cela m’a amené à être vigilant sur la question écologique et à la placer au cœur de ce que je nomme nos champs de luttes partagées : si nous construisons des mobilisations ensemble, nous sommes plus forts et nous pouvons gagner. Cela étant dit, j’ai bien conscience que je milite au sein d’un secteur – le ferroviaire – où les passerelles peuvent être aisément faites avec le mouvement écolo. C’est moins le cas pour d’autres professions, comme les routiers par exemple, et il faut aussi le prendre en compte.
Comment faire, justement, pour que les luttes écologistes ne pénalisent pas les travailleur·euses employé·es par des industries écocidaires, dont les métiers vont être amenés à évoluer, voire à disparaître ?
Il faut que l’on protège les travailleur·euses qui sont (ou vont être) affecté·es par la transition écologique, et que l’on réfléchisse à la question de leurs droits. Si tu as été routier pendant vingt-cinq ans et que tu dois te reconvertir, il faut par exemple que tu puisses bénéficier d’une formation professionnelle, mais aussi que tu ne repartes pas de zéro en termes de salaire. Il faut qu’il y ait un statut de salarié·e de la transition écologique, et que les assos écolo portent cette idée de concert avec le mouvement social. De façon plus générale, l’écologie doit être populaire et donc combattre toutes les formes de domination qui existent dans la société : de classe bien sûr, d’où cet enjeu important autour des conditions salariales, mais aussi de genre et de race.
Aux côtés de l’Alliance écologique et sociale, vous êtes très engagé contre le plan de liquidation de Fret SNCF décidé par l’exécutif. En quoi cette lutte pour le transport de marchandises en train est-elle cruciale ?
Cette lutte anticapitaliste autour de la défense du fret ferroviaire public est un combat syndical, écologique et politique au sens noble du terme, dans le sens où elle permet de penser à quelle politique de transport nous voulons, mais aussi à l’aménagement du territoire, à notre politique industrielle et logistique… Aujourd’hui, le ferroviaire ne doit pas être une simple alternative mais devenir incontournable : la transition écologique doit passer par le report modal et a fortiori par une diminution de l’usage des camions, qui polluent énormément. Ce combat contre la privatisation du fret et pour le maintien des 4 500 emplois menacés par cette décision est crucial : si nous le perdons, la situation deviendra irréversible. A contrario, nous sommes convaincus que si nous gagnons cette bataille-là, nous pourrons ensuite en gagner d’autres.