Porte-parole justice climatique au sein de l’association Ghett’up, Rania Daki a aussi été formatrice bénévole chez Banlieues climat. La jeune femme, originaire d’un quartier populaire, appelle le mouvement écolo à se « remettre en question » et à défendre une écologie véritablement antiraciste, sociale et féministe.
Un article d’Amélie Quintel issu du premier numéro de Fracas. Illustration : Luis Mason.
À quelle occasion s’est développé votre engagement écolo et comment se manifeste-t-il dans votre parcours ?
Je viens d’un quartier populaire d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), mais j’ai fait mon lycée dans un établissement parisien privilégié. À l’époque, j’avais été frappée de voir à quel point la question écologique était traitée différemment à Paris et dans les quartiers populaires : dans les zones riches de la capitale, il y avait moins de pollution – qu’elle soit visuelle, sonore ou de l’air – mais aussi plus de sensibilisation autour des enjeux écolos. J’ai donc commencé à me questionner : pourquoi, alors que c’est chez nous que la pollution est la plus développée, y a-t-il moins de moyens investis par l’État ? C’était par ailleurs l’époque des grandes marches pour le climat, autour notamment de Greta Thunberg. Je trouvais ça bien qu’elle soit présente, mais je ne m’identifiais pas à elle et je me disais qu’elle ne s’adressait qu’à une partie de la société. Ma prise de conscience écologique s’est donc manifestée à ce moment-là : j’ai créé un club d’écologie dans mon lycée, avant de m’investir chez Banlieues climat puis Ghett’up, et de faire des études en lien avec l’environnement.
La question des quartiers populaires est-elle toujours l’un des angles morts du mouvement écolo aujourd’hui ?
C’est en effet l’angle mort des grandes assos conventionnelles mais en revanche, un mouvement écolo se déploie désormais dans les quartiers populaires : je pense à Banlieues climat, Ghett’up, Front de mères… Sachant que les quartiers populaires sont de base écolo, mais sans que ce soit forcément revendiqué comme tel : pour des raisons financières, nous avons toujours été dans la récup’, la seconde main, les économies d’énergie… Je me félicite que de telles assos se développent dans les quartiers populaires. Un instinct de survie s’est déclenché, avec l’idée que nous n’avons plus le temps d’attendre qu’on nous vienne en aide, et que c’est à nous-mêmes de prendre en main notre futur. Mais, à l’échelle des assos traditionnelles, nous ne sommes pas inclus dans les débats, et c’est un problème. Dans ces structures, il y a un manque de représentativité des personnes issues des quartiers populaires et d’outre-mer, alors que ce sont les premières victimes du réchauffement climatique. Il faut que cela change et que ces assos se remettent en question : elles doivent faire un pas vers les mouvements issus des quartiers populaires et écouter nos revendications.
Quelles sont-elles ?
Selon moi, l’écologie que nous devons prôner doit être décoloniale, antiraciste, féministe et sociale. La lutte écolo ne peut pas être pensée seulement à destination d’hommes blancs et riches. Si nous voulons vraiment être écolo, il faut prendre en compte les revendications des femmes, des personnes racisées, des précaires, car ce sont ces personnes-là qui sont les plus touchées par la crise climatique et environnementale. Si nous suivons la trajectoire de l’écologie un peu bobo, alors seulement une partie de la société sera sauvée, et le combat ne sera pas gagné.