Chères lectrices, chers lecteurs,
Au programme de cette newsletter, on vous raconte pourquoi on a décidé de se constituer en coopérative, et on vous en dit plus sur ce modèle et pourquoi il assure notre indépendance.
Mais d’abord, on voulait vous dire merci pour toutes les réponses et les encouragements à notre petit sondage (anonymisé, donc on ne pourra pas vous répondre !). Ce genre de retours est super important pour nous !
D’ailleurs, de quel sujet avez-vous envie qu’on parle dans la prochaine newsletter ? On a quelques propositions (et ça prend 30 secondes)
Les médias en coopérative, c’est comme les poissons volants : il en existe, mais ils ne constituent pas la majorité du genre. Alors, pourquoi cette idée de fonder une coopérative, plus précisément une « Scop » ? Parce que c’est un modèle auquel on croit à fond. Et parce qu’il faut bien, tant qu’on peut, essayer de mettre en œuvre les principes sociaux et politiques auxquels on aspire.
« Scop », ça veut dire « Société coopérative de production ». On est tous les trois pétris de cet idéal d’auto-organisation des travailleuses et travailleurs, notamment après avoir découvert l’histoire de Lip, lu des livres sur le vaste mouvement coopératif qui a parcouru le XXe siècle, défendu une écologie fondée les communs… C’est simple : la richesse est produite en commun, sa répartition doit être décidée en commun.
« Coopérative », ça veut dire que le pouvoir est partagé et pas concentré. Nous avons chacun et chacune été vaccinés par le modèle de l’entreprise classique, même la petite TPE/PME « familiale », dont les défauts sont largement documentés : des patrons-actionnaires paternalistes qui décident dans leur coin, sans aucune transparence, souvent contre les intérêts des salariés, parfois même contre les intérêts de leur propre boîte.
Ceci dit, on aurait pu vouloir devenir nous-mêmes des « patrons de gauche », mais on craignait que ce soit un mirage dangereux. Le patron de gauche finit en général par devenir un cauchemar managérial, s’aligner sur la logique capitaliste qu’il prétend combattre, exiger des salariés qu’ils s’auto-exploitent et acceptent des conditions de travail physiquement et psychiquement dégradées au nom de valeurs et de combats partagés, d’un « métier passion ». Bref, trouver des excuses à la violence du capital envers le travail.
En ce qui nous concerne, nous refusons de nous en remettre à la chance ou au hasard : comme pour l’écologie, c’est au niveau des structures que beaucoup de choses se jouent !
Alors OK, il y a aussi des coopératives qui n’ont de « coopératif » que le nom, et qui ont elles aussi de sacrés états de service en termes de pratiques répugnantes. Et il y a aussi des boîtes qui ne sont pas coopératives à proprement parler et qui réussissent à respecter leurs salarié·es – mais on ne va pas vous refaire la blague sur les poissons volants.
Chez Fracas, ce dont on ne voulait pas, ce n’est pas seulement d’un patron :aucun de nous ne voulait non plus être le patron des autres. En partie aussi parce qu’on veut pouvoir continuer à boire des coups ensemble sans se faire des sourires de faux-cul.
Notre but est donc de mettre en place des structures stables, saines, transparentes, pour partager la décision entre nos salariés, privilégier le développement d’un média au service de ses idées, et rendre des comptes à nos lectrices et lecteurs.
Égalité. Dans une coopérative, chaque salarié·e peut, une fois acquise une certaine ancienneté (un ou deux ans généralement), devenir sociétaire et posséder une part de l’entreprise, participer aux décisions suivant le principe : une personne = une voix. Que vous ayez dix parts ou une, c’est toujours une seule voix. Ce qui ne veut pas dire que toute hiérarchie est abolie : les dirigeants sont juste des salariés comme les autres
Indépendance. Une Scop est détenue par les travailleuses et travailleurs et, pour garantir cela, les actionnaires extérieurs sont autorisés (toujours selon le principe un actionnaire = une seule voix), mais ne peuvent détenir plus de 35% des droits de vote et 49% du capital social. En dernier ressort, les salarié·es décideront toujours de l’avenir du média.
Transparence. C’est aussi un modèle qui garantit la transparence de la gestion de l’entreprise : l’assemblée de coopérateurs vote les comptes et décide de la répartition des bénéfices. La discussion y est permanente et ça, ça nous plaît beaucoup. Nous, on s’engage aussi à présenter nos résultats et nos choix stratégiques de manière pédagogique aux lectrices et lecteurs.
Lucrativité limitée. C’est enfin une entreprise qui n’est pas fondée sur la recherche du profit individuel, mais sur une réussite économique collective. Ça veut par exemple dire qu’on ne peut pas pas faire de plus-value en cas de revente des parts, et nous avons fixé à 75% la part des bénéfices qui est réinvestie dans la coopérative (le maximum légal). Vous vous doutez bien qu’en fondant un média, le but ce n’était pas de nous en mettre plein les fouilles pour refourguer la boîte dans cinq ans à un grand groupe de presse, et acheter avec notre petit pactole une résidence secondaire au Touquet. Eh bien, avec la coopérative, vous n’avez pas à nous croire sur parole, parce que c’est juste impossible – une garantie de plus.
P.S. : Il faut savoir qu’au départ, on avait d’abord penché en faveur de la Société coopérative d’intérêt collectif (Scic), mais pour plein de raisons techniques, on a décidé d’y renoncer dans un premier temps. Si ça vous intéresse, écrivez-nous et on vous en dit plus : redaction@fracasmedia.fr !
Concrètement, on finalise en ce moment l’écriture des statuts de notre petite Scop qui compte (pour l’heure) trois associés, en espérant qu’elle s’enrichisse très vite de nouveaux sociétaires si notre lancement au printemps nous permet des embauches. Ça veut dire qu’on ne va pas tarder à aller voir la banque et lui demander de nous ouvrir un compte, avant de publier une annonce légale de création d’entreprise.
En réalité, ce n’est pas tant le modèle Scop qui est vraiment compliqué à maîtriser que le lancement d’une entreprise plus généralement. Le monde coopératif, qui est mine de rien très vivace en France, a plein d’outils et de structures pour conseiller, donner des formations, doter la structure d’outils de financements… (On est accompagné là-dessus par l’UR Scop.)
Et il y a aussi plein de gens de bonne volonté toujours prêts à partager leur expérience de média coopératif et à prendre une heure au téléphone ! Donc merci entre autres à Jérémy Dousson d’Alternatives Économiques (dont on vous recommande ce super entretien si le sujet vous intéresse), à David Eloy, directeur de l’Ecole des métiers de l’information (EMI) et à Nicolas Loubet de la Coop des Milieux !
Si vous voulez en savoir plus, lisez cet article qui vient d’être publié sur la newsletter de Médianes (le studio qui nous épaule dans la création de Fracas ! ). La journaliste Marine Slavitch nous a interrogé sur le modèle Scop et sur la manière dont on le met en place pas à pas.
Avant de conclure, on a un petit conseil de lecture !
À trop accepter comme évidence le constat des limites planétaires, les écologistes ne se sont-ils pas aveuglés sur les capacités du capitalisme à tirer parti de la situation ? Loin d’être une limite insurmontable, la catastrophe écologique peut être parfaitement planifiée par l’industrie fossile pour relancer la croissance des profits en organisant une décroissance des ressources, un sabotage économique à l’échelle planétaire. C’est ce que démontre l’économiste Vincent Ortiz, rédacteur en chef adjoint du média Le Vent se Lève, dans son ouvrage L’ère de la pénurie. Capitalisme de rente, sabotage et limites planétaires. Retrouvez quelques bonnes feuilles sur le site de Fracas !
On vous en recommande la lecture à bien des égards, mais surtout en ce qu’il rappelle que le capitalisme fossile ne sera pas abattu par une quelconque loi de l’histoire ou contradiction interne à son développement, mais bien par la lutte collective !
Allez, un dernier rappel de notre agenda hebdo et des prochains mois, puis on vous laisse filer !
Merci de nous avoir lus jusqu’ici, pensez à parler de Fracas autour de vous d’ici la campagne, et n’hésitez pas à nous écrire (redaction@fracasmedia.fr).
À très vite !
Philippe, Marine et Clément
Histoire de vous occuper un peu d’ici la campagne de préventes, voici un petit récap’ de nos rendez-vous chaque semaine.
Mardi : une fiche de lecture sur Instagram et LinkedIn
Jeudi (une semaine sur deux) : une newsletter sur nos coulisses
Vendredi : notre débrief politique de la semaine sur Telegram.
Au printemps
Nous sommes en train de tout mettre en place pour démarrer une campagne de pré-abonnement et de préventes pour le mois d’avril. C’est beaucoup de travail : un site, une stratégie, des choses à dire et surtout des choses à vous montrer… Ce sera un moment très important pour le média, et la clef de sa réussite : on aura besoin de vous !
À l’été
Si la campagne a répondu à nos attentes, ce sera le moment du montage du média : embauches, trouver des locaux, remplir les différents dossiers, régler les détails de la diffusion, de la gestion des stocks, trouver des financement supplémentaires… Et surtout : finir de concevoir, réaliser et boucler le premier numéro de 132 pages !
La rentrée de septembre
Tadam, sortie du numéro en fanfare, invitations à la matinale de France Inter, apéro géant dans une mégabassine, combat de MMA avec Patrick Pouyanné… on ne rêve jamais assez grand !